De l'art sociologique à la sociologie esthétique
"Ce n’était pas de l’art, ce n’était pas de la sociologie. C’était une éthique et une pratique de la vie qui fondait ses moyens sur l’élaboration empirique d’une sorte de pratique philosophique sous prétexte de l’art et qui cherchait à refonder une approche des sciences dites humaines, où apparaît la notion de conscience, en prenant en compte la place des intervenants et des regardeurs. Sous cet angle, c’est une pratique qui visait à produire des actions, qui voulait faire jaillir une prise de conscience, la vision d’un déplacement symbolique pour rendre, comme le dit Blaise Galland «les regardeurs conscients du moment historique et de leur propre vie.» Elle cherchait à interroger les systèmes de valeur établis, en les relativisant par une action décalée dans le champ social. Le mouvement d’art sociologique pensait que le rôle de l’art et de la sociologie devraient être d’intervenir sur cette intersubjectivité pour la révéler à elle - même. Il postulait que l’art et la sociologie, par leur engagement éthique pouvaient changer le monde, que la création en devenant questionnement, devenait le nouveau "taon de Socrate". [...] A un phénomène social donné, l’Art Sociologique ne répondait pas uniquement par un objet fabriqué comme une œuvre d’art mais aussi par un événement social créé et provoqué dans le but de déclencher une prise de conscience nécessaire à un changement. Il s’agissait d’imaginer, selon Blaise «une action, un stratagème qui rend intelligible, pour le plus grand nombre d’acteurs présents, le moment qu’ils sont en train de vivre, décodage du réel, dévoilement de la réalité et cela grâce à l’interrogation que suscitait l’action engagée. C’est dans le fait de trouver et de mettre en place un stratagème qu’il y a Art.»
Jean-Paul Thénot
Joseph Beuys and Hervé Fischer, Jean-Paul Thénot , Fred Forest
from the "Collectif d'Art Sociologique" in the 70'