Les odeurs de Bob Dylan

Publié le par Blaise Emmanuel

Merci à  Anna Lietti de m'avoir fait rire au fond de ma tasse de café en lisant Le Temps à mon petit déjeuner ! (je reproduis l'article tel quel, il est disponible ici).




Comment Bob Dylan a-t-il fait pour fâcher ses voisins?

La réponse est portée par le vent.


Des nouvelles de l’affaire Dylan? Rien depuis plus de dix jours. On est pourtant anxieux de savoir si David, 8 ans, a subi des atteintes irrémédiables à sa santé. La réputation d’un mythe vivant est en jeu.

Pour ceux qui auraient raté le début, David Emminger habite dans la propriété voisine de celle de Bob Dylan à Malibu. C’est à Point Dune, sur une falaise surplombant le Pacifique, l’un des points de vue les plus prisés de Californie. David est tombé malade, accusent ses parents, à cause de l’intolérable odeur qui s’échappe des toilettes chimiques que Bob Dylan a fait installer dans son jardin pour les gardes qui patrouillent dans la propriété. La brise du soir, hélas, souffle dans la mauvaise direction et la famille Emminger est à la torture. Elle a bien installé cinq ventilateurs géants devant sa façade pour renvoyer la puanteur à son expéditeur, mais c’était peine perdue.

Les journalistes qui suivent l’affaire n’ont évidemment pas manqué l’occasion de charrier le père de tous les beatniks sur l’air de «Blowing in the wind»*: «Comment Bob Dylan a-t-il fait pour fâcher ses voisins? La réponse est portée par le vent», et cetera. L’occasion était trop belle et le désenchantement de mise. Il y a quelques années déjà, Bob Dylan s’était vu refuser l’autorisation de construire un bungalow pour ses gardes du corps au motif que la maisonnette n’était pas accessible aux handicapés. Le chanteur avait dû s’engager par écrit à ne pas engager de gorilles en chaise roulante. Aujourd’hui, le paladin du «protest song» passe de l’absurde au minable: le voilà embourbé dans une bête querelle de voisins, le nez dans le caca de la propriété privée.

Bien fait, diront ceux qui reprochent à Bob Dylan d’avoir retourné sa veste. N’est-il pas un des grands inspirateurs de la contestation à la guerre du Vietnam? Celui qui, précisément avec la chanson susmentionnée, a gonflé la poitrine des 250 000 manifestants de la Marche sur Washington de Martin Luther King?

Face à ces reproches, le poète adopte une attitude déroutante. Je n’ai pas trahi mes idéaux puisque je n’en ai jamais eu, dit-il en substance. Tout cela repose sur un malentendu: je n’ai jamais voulu changer le monde. En fait, je ne m’intéresse même pas à la politique. J’ai certes écrit «Blowing in the wind» et «Masters of war» («Vous qui n’avez jamais rien fait d’autre que construire pour détruire, vous jouez avec le monde comme si c’était votre jouet…»). Mais c’était simplement de la poésie dans l’air du temps.

A tout prendre, j’aime mieux ça que d’entendre Johnny affirmer en rugissant qu’il est resté rebelle même derrière ses lunettes Optic 2000. N’empêche, si Dylan, qui va sortir son prochain disque bientôt, est l’opportuniste qu’il prétend être, ses déclarations en disent long sur l’air du temps, non pas des années 60, mais de ce début de XXIe siècle. Vivement un bon coup de vent.

*A l’attention de nos jeunes lecteurs, rappelons que Bob Dylan est entré dans l’Histoire en 1962 avec cette chanson: «Combien d’années un peuple peut-il exister avant d’obtenir la liberté […] La réponse, mon ami, est portée par le vent…»


Paroles en français:
Combien de routes un homme doit-il parcourir
Avant que vous ne l'appeliez un homme ?
Oui, et combien de mers la colombe doit-elle traverser
Avant de s'endormir sur le sable ?
Oui, et combien de fois doivent tonner les canons
Avant d'être interdits pour toujours ?
La réponse, mon ami, est soufflée dans le vent,
La réponse est soufflée dans le vent.
 
Combien d'années une montagne peut-elle exister
Avant d'être engloutie par la mer ?
Oui, et combien d'années doivent exister certains peuples
Avant qu'il leur soit permis d'être libres ?
Oui, et combien de fois un homme peut-il tourner la tête
En prétendant qu'il ne voit rien ?
La réponse, mon ami, est soufflée dans le vent,
La réponse est soufflée dans le vent.
 
Combien de fois un homme doit-il regarder en l'air
Avant de voir le ciel ?
Oui, et combien d'oreilles doit avoir un seul homme
Avant de pouvoir entendre pleurer les gens ?
Oui, et combien faut-il de morts pour qu'il comprenne
Que beaucoup trop de gens sont morts ?
La réponse, mon ami, est soufflée dans le vent,
La réponse est soufflée dans le vent.

Publié dans ça m'a fait rire

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