La cohérence du plan d'agglomération franco-valdo-genevois se joue-t-elle dans la Plaine du Loup ?
L’Etat de Genève va bientôt devoir se prononcer sur un projet de construction de 178 logements dans le bas Lully, dans la zone théoriquement sauvée des risques d’inondations suites au travaux de renaturation de l’Aire.
Cette décision est un test pour savoir si le plan d’agglomération franco-valdo-genevois représente une réelle volonté urbanistique pour l’avenir urbain de Genève et de sa région ou n'est qu'une simple gesticulation politicienne supplémentaire.
J’avais défendu le projet des Cherpines car celui-ci était à mon sens cohérent avec ce plan d’agglo qui voulait – c’est comme ça que je l’avais compris en début de législature – construire la ville le long de voies de transports publics performants, comme les lignes de trams et le CEVA. Développement durable oblige. La Genève de la fin du XXIème siècle aurait ainsi ressemblé à une araignée laissant entre ses pattes de larges pénétrantes vertes et autres corridors écologiques parvenant jusqu’au centre historique; dans sa tradition urbaine héritée de Braillard, Genève continuerait à se construire autour des vides qu'elle constitue dans son "maillage vert". Construire aux Cherpine était ainsi cohérent puisqu’un futur tram est appelé à relier le centre-ville à Saint-Julien en passant par les Cherpines et Plan-les-Ouattes.
Le projet Jaquenoud prévoit de doubler la population de Lully alors même que le village se trouve en plein milieu de deux "pattes de l’araignée" du shéma de l'agglo, là où justement, à côté de l’Aire renaturée, les espaces agricoles et maraîchers se devraient d’être préservés. Spontanément il me semble qu’un tel développement urbain est contradictoire avec l’esprit du plan d’agglo, du moins celui qui nous avait été présenté dans le temps. Pas selon les magistrats bernésiens : le plan d’agglo, c’est « construire partout où l’on peut ». En matière d'urbanisme je ne suis pas atteint du syndrome de Peter Pan et souhaite sincérement que Genève développe son parc de logements, mais pas « n’importe où c’est possible de le faire ». Sinon à quoi sert de parler d'urbanisme, à quoi sert-il de s'insuger contre le mittage du territoire?
Le Conseil Municipal bernésien ne sera appellé à se prononcer que sur une dérogation en matière de toits plats et une autre sur le nombre de places de parking. En effet, ces deux points du projet dérogent un réglement des construction dont les bases légales sont plus que bancales. Ces dérogations seront bien évidemment votées sans tenir compte des 180 pétitionnaires du quartier très inquiets quant à la mobilité future et l'engorgement déjà existant des voitures sans places de parking, ni de l'oposition formelle que l'AVAL a adressée au DCTI, basée sur bien d'autres entorses que le projet érige à l'encontre de la LCI et autres normes fédérale en matière de construction. En aucun cas un vote positif du Conseil municipal sur les dérogations au règlement des constructions du village ne saurait être considéré comme une approbation du projet en lui-même. Du reste, le Législatif bernésien n'est pas appellé à se prononcer sur le fond, la balle est au DCTI.
Ce dernier aura à juger si le projet de construction respecte le bâti existant (décrochements en plan et en élévation, des couverts, appentis, escaliers extérieurs, etc.), si l’indice d’utilisation du sol, plus de deux fois supérieur à celui d'une zone 4b protégée est acceptable, si le trafic induit est supportable dans ce tissus urbain enclavé, si les gabarits sont conformes (4 niveaux, alors que tout autour on est à 3 niveaux), etc. Il reviendra au DCTI de juger de l'opportunité de construire autant de logements avec une telle densité sur une zone complètement enclavée dans des serres industrielles – la ZAS – dans un cul-de-sac de voiries (la frontière est à 300 mètres) et à fleur de nappe phréatique.
Les habitants du bas Lully sont suspendus à la décision du service d'urbanisme du Canton, espérant que ce dernier se rende sur place pour constater la relative démesure du projet dans un tel contexte et suggérer ainsi au maître d'oeuvre qu'un étage de moins serait une solution envisageable pour tous. Pour les Genevois, la décision du DCTI dira s’il existe une cohérence dans la volonté du plan d'agglo, et si l'urbanisme réel du Canton doit se limiter, pour un siècle encore, à la somme arithmétique des politiques des petits copains de toutes les communes du canton.
Blaise Galland