Par delà les minarets : comprendre l'islamophobie
Enfin un article pertinent sur le gâchis de l'UDC avec son initiative "anti-minaret". Jean-Blaise Fellay, jésuite et journaliste, souhaite que la question de l’islam dans nos sociétés soit abordée profondément et à l’échelle globale. Tous les aspects, même pénibles, doivent être débattus. Nous ne pouvons pas nous voiler la face au nom de notre sacrée sainte "liberté de religion" et de notre laïcité et nous complaire dans notre masochisme auto-destructeur où l'on finirait par croire que les Suisses sont "racistes". Jean-Blaise Fellay a le mérite, dans cet article que je rediffuse ici, d'élever le débat autour de faits culturels avérés que le débat a soigneusement occulté. Même si ça fait mal: la réalité n'est pas toute rose, peut-être bien que l'Islam n'est pas soluble dans notre représentation du monde.
J’ai été frappé par la vigueur des blogs, lettres de lecteurs et autres mails adressés aux médias après le vote sur les minarets. Dans leur majorité, ils manifestent la profondeur de la rupture entre les élites et le peuple. On y perçoit l’agacement envers les donneurs de leçon, ces clercs qui tancent un peuple supposé ignorant et irresponsable. Alors qu’il faut bien avouer que les sages et les savants n’avaient pas vu venir le problème et qu’ils restent perplexes face à l’inefficacité de leur prédication. Ce sont pourtant de vrais thèmes politiques qui apparaissent dans le débat, notamment les rapports entre la démocratie directe et les principes juridiques internationaux. Je suis méfiant, je l’avoue, face aux propositions de limiter la démocratie réelle au nom de grands principes moraux.
Je suis un partisan convaincu de la liberté religieuse et des droits humains; ils constituent la base indispensable pour une vie en société tolérable et l’on doit tout faire pour qu’ils soient effectivement appliqués. Mais c’est précisément là que le bât blesse: j’ai l’impression que l’invocation des droits humains se fait à sens unique. Dans le politiquement correct qui nous domine, il faut éliminer les sujets qui fâchent: les violations de la liberté religieuse et des droits de l’homme dans d’autres cultures que la nôtre. En ce sens, oui, il y a un problème avec l’islam. Pas avec les familles d’immigrés d’origine musulmane, qui travaillent durement dans nos banlieues pour nourrir et éduquer leurs enfants, mais avec un mouvement théologique, culturel et politique qui est en contradiction avec des axes fondamentaux de ce qui constitue notre civilisation actuelle en Suisse et en Europe.
Il existe un projet d’élites islamiques arabes de reconquête de l’Europe. L’expansion de l’Islam est inscrite dans le Coran et elle s’est remarquablement réalisée. Nous disposons aujourd’hui de cartes actives qui montrent l’expansion extraordinairement rapide de cette civilisation guerrière. En quelques décennies, elle submerge le Proche-Orient, gagne l’Afrique du Nord, puis en quelques siècles recouvre la péninsule ibérique, s’installe dans le sud de la France, remonte au nord vers l’Irak, la Perse, l’Asie Mineure, s’étend à l’est vers l’Afghanistan, l’Inde et l’Indonésie. Elle descend de façon continue aujourd’hui vers le sud de l’Afrique et prend en Europe continentale une place démographique croissante.
Qu’en est-il dans toutes ces terres de l’égalité religieuse, et même, pour certains, des formes les plus élémentaires des droits civils? Invoquer les Droits de l’homme? La déclaration de 1948 n’est pas acceptée dans la plupart de ces pays, remplacés par une «Déclaration islamique» de ces mêmes droits. Il n’y a pas besoin d’en préciser les variantes. Elles reposent sur la prééminence absolue de la loi divine sur la loi civile. Et c’est bien le fond du problème. Ce n’est pas en jouant la carte de l’anticléricalisme et des caricatures religieuses que l’on fera avancer les choses. Les esprits éclairés et laïcs de chez nous ont estimé trop longtemps que ces restes de «superstitions», les royaumes «médiévaux» et les dictatures «obscurantistes» allaient peu à peu se liquéfier au contact de la société de consommation et du charme de nos «démocraties libérales avancées». Mais cela ne s’est pas produit.
Qui se rappelle que les premiers discours de notre grand ami Kadhafi, à peine le pouvoir conquis, en appelaient à la reconquête de l’Europe? Et qu’il est l’auteur d’un système idéologique fait de charia et de socialisme. Je ne crois pas que beaucoup de fonctionnaires du Département des affaires étrangères s’en souviennent. En tout cas, ils n’ont pas éclairé notre gouvernement, qui s’est comporté avec une naïveté touchante dans l’affaire libyenne. Et que se passe-t-il dans la Genève internationale quand la justice intervient en faveur de domestiques traités comme des esclaves?
Or, qui subventionne des mosquées (avec minarets) un peu partout en Europe si ce n’est l’Arabie saoudite, dont le fondamentalisme religieux pèse sur tous les courants musulmans un peu plus libres. Et quel jeu mènent les intellectuels musulmans fraîchement helvétisés, qui disent «nos valeurs» en parlant d’Etat de droit, de démocratie, de liberté religieuse, s’affirment consternés par le recul de la tolérance en Suisse, alors que, face à la politique répressive dans nombre de pays musulmans, ils n’ont que des paroles explicatives et lénifiantes?